La rhinopneumonie et les herpèsviroses de type 1 et 4

La rhinopneumonie équine, nom couramment donné à une des formes cliniques de l’infection par un herpèsvirus de type 1 et/ou 4, est une maladie très fréquente en France. Les herpèsviroses de type 1 et 4 se manifestent sous trois formes cliniques : respiratoire, nerveuse et abortive. Il est important de bien les connaître, d'une part pour organiser une prévention efficace, et d'autre part pour limiter la diffusion depuis les foyers.

2

Niveau de technicité :
Soins, prévention et médication
Sommaire

Quels sont les agents pathogènes responsables de la rhinopneumonie ?

Deux herpèsvirus sont responsables de cette maladie :

  • L’herpèsvirus équin de type 1 ou « HVE-1 »
  • L’herpèsvirus équin de type 4 ou « HVE-4 »

Ces deux herpèsvirus sont spécifiques des équidés : il n’y a pas de transmission possible à l’Homme.

D’autres herpèsvirus peuvent infecter les chevaux et les ânes et causer des signes cliniques variés. Certains herpèsvirus infectent l’Homme et sont responsables de diverses maladies, comme par exemple la varicelle et le zona, ou encore le bouton de fièvre.

La particularité des herpèsvirus est qu’après infection, ils persistent dans l’organisme des équidés dans un état inactif (dormant ou latent). Ils peuvent se réactiver à la faveur d’une baisse d’immunité ou d’un stress, et provoquer à nouveau la maladie.

Quels sont les signes cliniques que l’on peut observer lors d’herpèsviroses de type 1 et 4 ?

Les herpèsviroses de type 1 et 4 peuvent se présenter sous trois formes : respiratoire, abortive et nerveuse. La forme respiratoire est la plus fréquente. Dans une même écurie, des chevaux peuvent présenter des formes différentes de la maladie.

Certains chevaux infectés sont porteurs sains (c'est-à-dire asymptomatiques) : ils excrètent du virus, mais ne présentent aucun signe clinique.
La forme respiratoire

rhinopneumonie et herpèsviroses de type 1 et 4
Nombre de foyers français (écuries touchées) de rhinopneumonie (forme respiratoire) déclarés au RESPE entre 2018 et 2023 © IFCE (données : RESPE)

Cette forme respiratoire, appelée rhinopneumonie, est la forme clinique la plus fréquente. Elle est principalement due à HVE-4, mais HVE-1 peut aussi en être la cause. La maladie ressemble à une grippe, mais avec des signes cliniques souvent plus modérés. On peut observer :

  • Des signes généraux : une hyperthermie (température rectale > 38,5°C) souvent associée à un abattement et une perte d’appétit si l’hyperthermie est importante.
  • Des signes respiratoires : une toux sèche et un écoulement nasal (jetage) séreux (translucide) qui peut devenir muco-purulent (épais et jaunâtre), notamment en cas de surinfection bactérienne.

Les signes respiratoires apparaissent 2 à 10 jours après l’infection (durée d’incubation) et la phase clinique dure généralement entre 1 à 2 semaines. Chez un cheval vacciné, cette dernière est plus courte, voire inexistante. Le cheval est contagieux (excrétion de virus) pendant la phase clinique et jusqu’à 21 jours après.

Les signes cliniques peuvent être plus ou moins sévères. Les chevaux adultes et les chevaux vaccinés présentent le plus souvent des signes cliniques atténués, voire aucun signe, alors que les jeunes chevaux et les chevaux non vaccinés peuvent présenter des signes plus sévères.

Cette infection virale est rarement mortelle, mais elle peut se compliquer d’une surinfection bactérienne.

La forme abortive

rhinopneumonie et herpèsviroses de type 1 et 4
Nombre de foyers français (écuries touchées) d’avortements à HVE déclarés au RESPE entre 2018 et 2023 © IFCE (données : RESPE)

Cette forme est essentiellement due à HVE-1, moins fréquemment à HVE-4. L’herpèsvirose équine de type 1 est la première cause d’avortement infectieux chez les équidés.

L’avortement intervient sans signe prémonitoire (pas d’écoulements vulvaires, pas de montée laiteuse), le plus souvent en fin de gestation (9-11ème mois), mais peut survenir dès le 4ème mois. Le fœtus et le placenta sont expulsés sans difficultés, la jument n’est pas malade.

Dans certains cas, le poulain naît à terme et vivant, mais présente des difficultés respiratoires et meurt, le plus souvent dans les 3 jours.

L’avortement peut avoir lieu dans les 9 jours à 4 mois suivant la contamination.

Dans un effectif non vacciné, on peut observer jusqu’à 80-90% d’avortements.


rhinopneumonie et herpèsviroses de type 1 et 4
Lésions du foie dues à la rhinopneumonie chez un avorton : les petits points blancs sont des foyers de nécrose (destruction des tissus) © C. Laugier / ANSES
rhinopneumonie et herpèsviroses de type 1 et 4
Lésions des poumons (congestion et nécrose) dues à la rhinopneumonie chez un avorton © C. Laugier / ANSES


La forme nerveuse

rhinopneumonie et herpèsviroses de type 1 et 4
Nombre de foyers français (écuries touchées) de formes nerveuses à HVE déclarés au RESPE entre 2018 et 2023 © IFCE (données : RESPE)

Cette forme, plus rare, est due à HVE-1. Le virus est responsable d’une inflammation du cerveau et de la moelle épinière : on parle de myéloencéphalite. On peut observer une hyperthermie, associée à des troubles nerveux variés et plus ou moins graves :

  • Troubles légers de la locomotion
  • Ataxie (défaut de coordination des membres)
  • Parésie (paralysie partielle ou légère) voire paralysie des membres
  • Incontinence urinaire…

L’apparition des signes nerveux peut être soudaine, sans signes respiratoires antérieurs visibles, et arrive souvent dans la deuxième semaine après l’infection. Le plus souvent, un seul cheval est atteint dans une écurie, mais dans certains cas plusieurs chevaux peuvent être atteints. La récupération du cheval est variable : le cheval peut s’en remettre totalement ou conserver des séquelles plus ou moins importantes. Les formes neurologiques graves nécessitent parfois l’euthanasie du cheval atteint.


rhinopneumonie et herpèsviroses de type 1 et 4
Formes cliniques, herpèsvirus en cause et fréquence des herpèsviroses de type 1 et 4 © M. Delerue / IFCE

Comment se transmettent les herpèsvirus de type 1 et 4 ?

Les herpèsviroses sont parmi les maladies les plus contagieuses chez les équidés. Les chevaux s’infectent de manière directe par inhalation d’aérosols contenant du virus, lors d’un contact avec un individu excréteur de virus (animal présentant ou non des symptômes). Les principales sources de contamination sont :

  • Les sécrétions respiratoires (jetage, toux) des chevaux atteints de forme respiratoire
  • Les tissus d’un avorton contaminé
  • Les sécrétions utérines d’une jument ayant avorté

Les herpèsviroses étant responsables d’une infection latente, l’infection peut être réactivée chez un cheval porteur latent suite à un stress (fatigue intense, transport, changement d’environnement…) et/ou une baisse d’immunité. Celui-ci présentera ou non des signes cliniques, mais excrétera à nouveau du virus au bout du nez et pourra contaminer d’autres équidés.

Une contamination est également possible de manière indirecte, par l’intermédiaire des personnes (mains, vêtements…) ou de matériel souillé. En effet, les herpèsvirus peuvent résister pendant plusieurs jours dans l’environnement. Cependant, les virus sont sensibles aux désinfectants usuels ayant une activité virucide.

Durée de survie des herpèsvirus dans l’eau de pluie à différentes températures (données : Camille Normand, Labéo/Biotargen)

Type d'herpèsvirusTempérature de l'eau de pluieDurée de persistance du virus avec pouvoir d'infection conservé
HVE-120°C14 jours
4°C21 jours
HVE-420°C

28 jours

4°C

rhinopneumonie et herpèsviroses de type 1 et 4
Les différentes voies de transmission des herpèsvirus à une jument gestante saine © M. Delerue / IFCE (pictos © The Noun Project)

Comment diagnostiquer les herpèsviroses de type 1 et 4 ?

Lors de suspicion clinique, une analyse PCR (pour « Polymerase Chain Reaction » en anglais), est réalisée pour établir un diagnostic de certitude :

  • Sur un écouvillon naso-pharyngé pour les formes respiratoire et nerveuse.
  • Sur un prélèvement de liquide céphalorachidien (LCR) pour la forme nerveuse.
  • Sur les tissus (foie, poumon de l’avorton ou placenta) pour la forme abortive.

Cette analyse consiste à rechercher le génome du virus par amplification génique.

Ces analyses doivent être interprétées avec précaution par le vétérinaire. Certains chevaux, notamment ceux présentant des signes nerveux, ceux en début ou fin de maladie ou les équidés vaccinés, excrètent une faible quantité de virus au bout du nez et les analyses peuvent se révéler faussement négatives.

Quel traitement chez un cheval atteint d’herpèsvirose ?

Il n’existe aujourd’hui pas de traitement spécifique contre les herpèsviroses, qui sont des maladies virales, mais des travaux de recherche sont en cours.

Un traitement symptomatique est préconisé pour atténuer les signes cliniques, en particulier lutter contre l’hyperthermie.

Concernant la forme respiratoire, les chevaux doivent être mis au repos, au minimum 3 semaines après la fin des signes cliniques, afin de favoriser la cicatrisation de l’appareil respiratoire endommagé.

Concernant la forme nerveuse, des traitements supplémentaires de soutien peuvent être mis en place en fonction des signes cliniques observés. Il peut notamment être utile de placer le cheval dans un harnais pour le soutenir et éviter les chutes ou les difficultés pour se relever.

Pour la forme abortive, l’avortement n’est en général suivi d’aucune complication, ni séquelle. Aucun traitement n’est donc nécessaire. Il n’existe pas de « traitement préventif » pour éviter l’avortement lorsqu’une jument a été contaminée.

La thèse universitaire de Côme Thieulent (Labéo/Biotargen) a permis de démontrer l’efficacité du valganciclovir (molécule antivirale) contre l’HVE-1. Son association avec une autre molécule antivirale (la décitabine) pourrait être intéressante : un effet synergique a été observé in vitro.

Comment prévenir les herpèsviroses ?

Il est possible d’agir sur les facteurs qui favorisent la transmission des herpèsvirus. La concentration d’équidés de provenances différentes, de statuts sanitaire et vaccinal différents, lors de manifestations équestres par exemple, représente un facteur de risque important.

Bonnes pratiques dans les écuries et élevages

La vaccination : un des piliers de la prévention

La vaccination est un des piliers de la prévention contre les herpèsviroses à l’échelle individuelle et collective. De manière générale, la vaccination doit être raisonnée en termes de « prophylaxie collective » et pas uniquement de « prophylaxie individuelle ».

Les vaccins actuels n’empêchent pas de façon certaine les infections, mais permettent de diminuer la sévérité et la durée des signes cliniques, notamment pour la forme respiratoire et dans une moindre mesure pour la forme abortive. Leur efficacité contre la forme nerveuse n'a pas été démontrée.

La vaccination permet aussi de diminuer l’excrétion du virus par le cheval malade, donc de limiter sa contagiosité et, de fait, la transmission à d’autres équidés. Ainsi, lors d’introduction du virus dans un élevage, le pourcentage de malades est plus faible dans un effectif correctement vacciné (soit quand plus de 80% des équidés sont vaccinés). Il est donc important de vacciner non seulement les équidés sensibles (juments gestantes, jeunes chevaux) et à risque (chevaux se déplaçant fréquemment) mais aussi tous les équidés d’une même structure. Il est par exemple inutile d’« hypervacciner » les poulinières si les autres chevaux de l’élevage ne sont pas vaccinés.

Protocole vaccinal recommandé

Il est important de commencer à vacciner les poulains dès l’âge de 6 mois, afin de limiter le risque de portage latent du virus :

  • Primovaccination ⇒ 2 injections à 1 mois d’intervalle et premier rappel à 6 mois
  • Rappels conseillés tous les 6 mois, sans dépasser un an

Chez la jument gestante, il est recommandé de faire une injection de rappel dans les 4 à 6 semaines précédant le poulinage, afin non seulement de protéger la jument, mais aussi d’augmenter la concentration en anticorps dans le colostrum et ainsi protéger le poulain au cours de ses premiers mois de vie.

L’immunité apparaît environ 15 jours après la seconde injection de primovaccination, mais elle n’est complètement établie qu’après le premier rappel à 6 mois.

Des travaux de recherche sont en cours concernant l’intérêt d’un adjuvant appelé iPPVO (Parapoxvirus ovin inactivé) dans l’amélioration des protocoles vaccinaux contre la rhinopneumonie. La thèse universitaire de Flora Carnet (Labéo/Biotargen) a montré que l’iPPVO permet de renforcer le pouvoir immunogène d’un vaccin HVE-1/4 inactivé en augmentant la réponse immunitaire humorale de façon significative par rapport au groupe contrôle.

Autres mesures de prévention

Les autres mesures de prévention sont les suivantes :

  • Une gestion des équidés par lots quand elle est possible : dans un élevage par exemple, afin de protéger les juments gestantes mais aussi les jeunes chevaux, plus sensibles, il est important de les séparer des chevaux à risque important de contamination (ceux qui participent à des manifestations équestres et/ou qui se déplacent fréquemment).
  • La mise en place d’un circuit de soins ou marche en avant en commençant les soins par les équidés les plus sensibles aux maladies (juments gestantes, jeunes chevaux) et en terminant par les équidés les plus à risque.
  • Une mise en quarantaine pour tout nouvel arrivant ou au moins une surveillance rapprochée (prise de température quotidienne).

La prévention passe aussi par la recherche systématique du virus par une analyse lors d’une suspicion clinique.

Mesures pour limiter la diffusion de la maladie dans une écurie / un élevage touché(e)

En cas de foyer d'herpèsvirose, comme pour toute maladie contagieuse, les mesures à prendre sont les suivantes :

  • Isoler les chevaux malades ainsi que les chevaux suspects, pour lesquels aucun diagnostic de certitude n’a été établi, mais qui présentent une hyperthermie.
  • Arrêter les mouvements de chevaux dans et hors de la structure.
  • Suivre la température des animaux a priori sains pendant 1 semaine (période d’incubation) pour détecter précocement les chevaux infectés.
  • Mettre en place un circuit de soin (marche en avant) des équidés sains vers les équidés douteux, pour finir par les équidés malades, ou définir une ou des personne(s) s’occupant exclusivement des équidés malades.
  • Utiliser du matériel spécifique (gants, (sur-)bottes, blouses etc. pour le soigneur / licol, matériel de pansage etc. pour le cheval) pour chaque lot d’équidés (sains, douteux, malades).
  • Désinfecter le matériel ou utiliser du matériel à usage unique :
    • Mettre en place des pédiluves devant les zones infectées.
    • Les désinfectants virucides usuels sont actifs contre le virus.
  • Limiter le contact des chevaux infectés uniquement au personnel responsable des soins.
  • Désinfecter les véhicules de transport (vans, camions…).
  • Lors d’avortement :
    • Au box ⇒ nettoyer et désinfecter le box immédiatement.
    • Au pré ⇒ réaliser un vide sanitaire pendant 2 semaines au minimum.
  • Évacuer les fumiers des boxes des chevaux malades en fumière.
  • Après la sortie du cheval malade, vider entièrement les boxes puis les nettoyer à haute pression avant de désinfecter les locaux et effectuer un vide sanitaire avant toute réintroduction d’un autre cheval.

Ces mesures de prévention doivent être appliquées pendant 21 jours après les derniers signes cliniques observés.

Pour plus d’informations, consulter la fiche technique Mesures sanitaires de précaution (maladie contagieuse) rédigée par le RESPE.

Attention à la manipulation des avortons et des enveloppes fœtales. L'examen doit toujours être réalisé avec des gants à usage unique. Après celui-ci, placer les enveloppes dans un sac plastique fermé hermétiquement. D’une manière générale, ne jamais laisser d’autres animaux s’en approcher (autres équidés, chiens…) même si le poulinage s’est bien déroulé et que le poulain est en bonne santé.

Aspects réglementaires de la maladie

La rhinopneumonie n’est pas une maladie réglementée par l’État. Le RESPE en assure la surveillance grâce aux sous-réseaux « Avortement », « Syndrome Respiratoire » et « Syndrome Nerveux ». Cette surveillance dépend de la déclaration des cas par des vétérinaires sentinelles.

En France, les obligations de vaccination contre la rhinopneumonie concernent :

  • Certains reproducteurs
  • Les chevaux de course à l’entraînement (trot et galop)
  • Les chevaux de sport ou d’élevage participant à des compétitions FFE « Pro » ou des épreuves SHF
Pour plus d'informations, consulter la fiche technique sur la réglementation vaccinale en France.
En savoir plus sur nos auteurs
  • Marie DELERUE Docteure vétérinaire - experte sanitaire spécialité équine et ingénieure de recherche & développement IFCE
  • Coralie LUPO Vétérinaire épidémiologiste (RESPE)
  • Christel MARCILLAUD-PITEL Docteure vétérinaire - directrice du Réseau d’Épidémio-Surveillance en Pathologie Équine (RESPE)
Pour retrouver ce document: www.equipedia.ifce.fr
Date d'édition : 15 05 2024

Fiche réalisée avec nos partenaires

RESPE

Ressources à télécharger

Poster édité par l'Ifce
Poster
Halte à la rhinopneumonie

Cette fiche vous a-t-elle été utile ?